La « vulnérabilité » du manager ou la fin du mythe du super héros ?
Comme dans le secteur éducatif, le management a connu ses tendances, ses vagues de fonctionnement successifs au fil des décennies. On note aujourd’hui un tournant à la fois particulièrement intéressant et perturbant dans la mesure où il remet en cause tous les codes habituels du management « top down » et du modèle de la « bureaucratie à la française ».Une nouvelle approche est prônée en organisations basée sur l’humain et cela redistribue d’autant les cartes managériales pour le meilleur mais, parfois, aussi pour le pire.
Pendant longtemps, le manager était Tout : celui qui sait, qui conduit, qui paterne, qui conseille, qui protège, qui fait parfois, et la liste est encore longue. De ce leader omniprésent et omnipotent, nous avons hérité des modèles pyramidaux où le chef se doit d’être fort, équitable, visionnaire et directif. Le « leader from the front ou by example », comme l’appellent les anglo-saxons ne faiblit pas et ne se trompe pas. Il génère des systèmes cadrés certes mais un peu rigides où les salariés jouent une partition décidée pour eux. Dans ces systèmes, oser est peu spontané. Le droit à l’erreur est limité et on hésite à initier et créer. Le collaborateur y est souvent assisté par ce leader protecteur et tout puissant.
Ce modèle est mis à rude épreuve ces dernières années notamment dans des organisations de plus en plus apprenantes. On lui préfère le modèle du « leader from behind ». Celui-ci est accompagnateur, facilitateur, il n’est plus un super héros. Il devient même faillible car il apprend aussi. Il doit faciliter la libération des énergies créatrices, des initiatives de ses équipes. Il doit laisser de l’espace aux autres notamment en termes d’initiative et de responsabilités. C’est la fin de la « position haute » paternante au profit de l’intelligence collective. Il n’est plus le seul détenteur du savoir!
Un nouveau manager est né. Plus humble, plus accessible, il sait se mettre derrière ses équipes et leur laisser la latitude d’avancer, de créer et d’initier. Il responsabilise et accompagne dans la montée en compétences. Nous pourrions synthétiser ce changement de paradigme par un acronyme : BACCE.
B de Bienveillant car le responsable a une vision positive de ses équipes, il bâtit un cadre qui permettra à ses collaborateurs de se tromper, d’essayer et de tester.
A d’Accompagnateur car il aide les autres à monter en compétences. Il prône et maîtrise la délégation dans le souci de développer les potentiels. C’est ce qu’on appelle le manager coach.
C comme Confiant dans la mesure où il a confiance en lui même ce qui ne le met jamais dans une position défensive. Il prend les responsabilités mais peut aussi facilement se remettre en question car il accepte d’être faillible. Il fait parfois des mea culpa ce qui facilite aussi le développement d’une culture de l’erreur. Bien sûr, il fait confiance aux autres et les met en avant sur les défis de l’organisation pour qu’ils se développent.
C encore comme Congruent dans la mesure où il est aligné avec ses valeurs, ses principes de vie. Il dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit. Il est éthique et équitable avec tous.
Enfin E comme Empathique car il reste à l’écoute, il comprend mais ne s’apitoie pas. Il est tolérant et encourageant. Il est capable de prendre la température de l’ambiance et du bien-être dans son équipe. Il reste vigilant et donne régulièrement du feed back positif et authentique.
Bien évidemment, nous n’avons pas tous les mêmes capacités à développer cette posture. De même, on note aujourd’hui une grande multitude et disparité d’approches dans le monde organisationnel. Alors que certaines structures sont nées de cette culture apprenante comme beaucoup de startups, d’autres s’y sont mises plus tardivement et sont dans ce changement de paradigme voire d’ADN. Cela prend du temps. Dans ces dernières, les managers BACCE côtoient les managers plus traditionnels et cela génère parfois une culture à deux vitesses avec son lot d’incompréhensions. De même, certaines structures ont du mal à effectuer un vrai choix et continuent d’encourager les deux modes ce qui peut générer de l’incertitude et de l’anxiété chez les collaborateurs voire les managers. Enfin, certaines structures n’envisagent pas encore le grand saut et sont même méfiantes vis-à-vis de ces nouveaux schémas plus perçus comme des tendances à la mode que comme de nouveaux savoir-faire efficients.
Quoi qu’il en soit, il est important d’effectuer une analyse situationnelle et d’inclure tous les stades hiérarchiques dans ce changement pour prétendre réussir ce grand pas. De même, le management situationnel nous apprend que ce modèle n’est pas adéquat à toutes les situations. Il serait un leurre d’imaginer que cela convienne à toutes les structures, tous les contextes et tous les types de ressources humaines. En effet, les environnements à fort enjeux car des marchés à emporter ou à défendre, ou un contexte particulièrement hostile ou de crise nécessiteront un leadership plus classique. Une équipe peu mature, ayant une compétence encore limitée sur le terrain d’activité aura aussi besoin de plus de cadres au début. En quelques mots, ne faites pas du management BACCE sans vérifier que le contexte et l’équipe le permettent car sinon cela pourrait être vu comme du laisser-aller et surtout très anxiogène pour vos équipes.