L’organisation matricielle : entre agilité et schizophrénie…

 
Très répandue en occident et développée très largement depuis les années 90 en France, l’organisation matricielle croise une répartition des ressources et tâches en fonctions et en supports. La structure de l’entreprise se fait selon deux voire trois niveaux – opérationnel et fonctionnel.  L’activité se décompose ainsi selon deux critères – la fonction et le projet. Cette répartition peut être très différente selon les secteurs d’activités.
Les organisations internationales privilégieront la double organisation : fonction et région géographique.  D’autres préfèreront le maintien des services fonctionnels habituels et des services opérationnels plus pointus voire liés à des projets spécifiques.
Ainsi, chaque salarié a deux voire trois supérieurs hiérarchiques. Les personnes ayant des compétences similaires sont regroupées par tâches ou types d’activités ce qui aboutit à une organisation par projet.

Les objectifs de l’organisation matricielle : 

Son objectif est de répondre aux besoins de flexibilité et d’agilité des marchés. Ainsi les grandes structures couvrent l’ensemble de leur marché et peuvent s’internationaliser sans problème.
Elles se veulent moins figées que les organisations hiérarchiques issues du fayolisme car les individus sont mobiles et peuvent être mobilisés sur tel ou tel autre projet en fonction de leurs compétences.
Cela évite la routine et suscite motivation et créativité. Les fonctions sont croisées avec pour but une grande transversalité des compétences, des prises de décision et des communications.

Les avantages  de l’organisation matricielle :

Les avantages sont légion mais  ne semble pas avoir tenu ses promesses au point que certaines organisations opèrent un retour en arrière.
La raison principale ? Une nouvelle configuration organisationnelle a été adoptée sans pour autant avoir repensé et changé le paradigme de fonctionnement.
En effet, dans la plupart des organisations, nous sommes toujours sur un schéma linéaire avec de l’information donnée « top down » par les managers comme dans une organisation par silos.
La matrice propose une toute autre approche transversale et par projet qui nécessite une totale flexibilité, une déstructuration des modèles existants, une remise en question des liens hiérarchiques.
En bref, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. On ne peut pas se prétendre « matricielle » tout en restant « hiérarchique ».
Les organisations qui ont remporté le pari sont celles qui ont été pensées complètement de façon matricielle depuis le début comme par exemple Google.

l’organisation matricielle aujourd’hui :

Aujourd’hui, les managers ont une part de responsabilité à jouer dans les difficultés à tirer le meilleur profit de cette organisation transversale. Voici pêle-mêle quelques écueils les plus répandus observés à l’échelle du terrain :

  • le manager continue à distiller sa bonne parole de façon verticale avec comme résultat le décalage entre sa vision et la vision de ses équipes inscrite dans une logique plus transversale.
  • Les deux ou trois managers en charge communiquent peu entre eux et comptent sur les équipes pour faire le lien. Cela génère beaucoup de tensions pour les collaborateurs. Ils se retrouvent à créer un pont parfois infranchissable entre des services, des égos et intérêts parfois divergents. Cela consume leur énergie et leur temps.
  • La manque de supports transversaux de communication épaissit les frontières entre les groupes. Elles sont peu poreuses entre les services et les tâches. Cela veut dire qu’on assiste souvent au dédoublement des activités sans que personne ne s’en rende compte. Les uns ne sont pas associés aux autres. Il y a une difficulté particulière à optimiser le dispositif.
  • On peut voir apparaître parfois des clans avec certaines équipes qui s’isolent du reste d’une structure en créant des barrières externes fortes et artificielles. Cela est le cas parfois avec les équipes projets. Lorsqu’ils ont une grande indépendance, les projets peuvent presque échapper à tout contrôle et devenir une zone opaque pour l’ensemble de l’organisation.
  • La mise à disposition de membres de certaines équipes pour un projet particulier génère parfois de l’incertitude et des difficultés pour le collaborateur concerné qui va devoir ensuite se réintégrer à un tissu professionnel plus classique. Il a souvent du mal à trouver sa place dans l’une et l’autre configuration.
  • Il peut y avoir aussi parfois un conflit de loyauté entre les gestionnaires opérationnels et fonctionnels sur l’allocation des ressources, les prises de décision etc… Cela peut retarder d’autant l’atteinte des objectifs.

 
 
Vous l’aurez compris, ces structures matricielles peuvent devenir de véritables « usines à gaz ». Autant d’écueils qui sont gérables voire même évitables.
Tout d’abord, la communication matricielle ne peut être ni verticale, ni horizontale mais doit impérativement être orchestrale.
Tout le monde doit pouvoir partager l’information et être en contact en permanence. Le manager est là pour soutenir ses équipes et recueillir leur input de façon plus « bottom-up ».
Pour cela, il faut pouvoir adopter de nouveaux modes de collaboration innovants comme le co-développement ou bien encore l’intelligence collective et participative, mettre en place des outils de communication plus modernes et transversaux comme ceux du web 2.0 et ne pas avoir peur de casser les modèles classiques pour trouver un schèma complètement différent voire encore inexistant.
L’organisation matricielle est une chance et peut véritablement générer créativité, agilité et convivialité si elle est bien gérée, dynamique et évolutive.  A vous, en tant que manager, d’en tirer le meilleur parti.